BRUXELLES – L’Union européenne sait depuis longtemps que la voie à suivre est celle de l’intégration. Le cœur de la France passe par son estomac. Alors, ne touchez pas au camembert – jamais, jamais.
Mercredi, les législateurs du Parlement européen voteront pour s’assurer que cela ne se produise pas.
Dans le cadre de l’une des nombreuses propositions juridiques visant à rationaliser et à optimiser la gestion des déchets dans les 27 pays de l’Union européenne, certains producteurs de fromage français ont flairé quelque chose et l’ont transformé en puanteur culinaire.
Selon eux, la proposition rendrait illégal le fait de bercer le camembert dans son emballage en bois habituel pour ses dernières semaines de maturation et, éventuellement, sa vente. La boîte ronde est aussi essentielle au camembert que sa texture onctueuse et son odeur piquante.
Soudain, il y a eu un frémissement à l’idée que quelque chose de fondamentalement français puisse tomber dans les mains des bureaucrates de Bruxelles – que beaucoup appellent par dérision « eurocrates » – qui sont trop souvent blâmés pour des défauts réels et faux.
« C’est une question de bon sens. Ne touchez pas à nos camemberts ! » a déclaré Jean-Paul Garraud, membre du Parlement européen pour le parti d’extrême droite français, le Rassemblement national.
Si le fromage est contraint de se transformer en un matériau plus facile à recycler, comme le plastique, sa respiration parfaite à travers le bois risque de devenir moite et flasque. Cependant, le bois est très difficile à recycler de manière durable, c’est pourquoi l’UE prévoit de l’éliminer autant que possible des emballages alimentaires.
Même le général Charles de Gaulle, héros français de la Seconde Guerre mondiale et futur président de la République, connaissait parfaitement le problème du fromage. « Comment voulez-vous diriger un pays qui a 246 sortes de fromages ? », se serait-il plaint.
Le Parti populaire européen de centre-droit, le plus grand groupe du Parlement européen avec un électorat agricole traditionnel et un penchant pour la protection du patrimoine, s’est porté à la défense des boîtes en bois pour le camembert et d’autres fromages.
« Nos fromages français sont appréciés dans le monde entier. Mais qui peut imaginer un Camembert ou un Mont d’Or sans son cerclage en bois ? Les emballer dans du plastique serait une aberration gustative et environnementale », a déclaré l’eurodéputée française Laurence Sailliet.
« L’Europe doit savoir protéger l’environnement, mais jamais au détriment des spécificités de ses Etats membres », a-t-elle ajouté.
L’alimentation est l’une des spécificités les plus sensibles.
Les Britanniques ont poussé à l’extrême le fomentage alimentaire anti-Union européenne dans les années qui ont précédé l’élargissement de l’Union européenne. BrexitL’ancien Premier ministre Boris Johnson, alors encore journaliste à Bruxelles, a mené l’assaut des tabloïds en affirmant que l’UE insisterait pour que les bananes soient droites et éliminerait les biscuits britanniques bien-aimés.
Cette campagne a contribué à retourner le Royaume-Uni contre l’UE, et les électeurs ont décidé par référendum de quitter l’Union.
La France est très loin de ce stade, mais le commissaire à l’environnement, Virginijus Sinkevicius, a déclaré mardi que l’UE veillerait à ce que les camemberts non industriels spécialisés dans le lait cru – ceux qui bénéficient d’une appellation d’origine contrôlée – soient exemptés de toute réglementation.
Le vote de mercredi inclura une telle exemption.
« En effet, dans l’UE, certains emballages alimentaires en bois, en textile ou en céramique sont mis sur le marché en très petites quantités, et nombre d’entre eux sont protégés par la législation sur la qualité des aliments », a déclaré M. Sinkevicius. « Ces emballages peuvent avoir des difficultés à être recyclés à grande échelle et peuvent faire l’objet d’exemptions spécifiques.