BRUXELLES – Un haut fonctionnaire de l’Union européenne a approuvé un accord selon lequel l’Albanie accueillerait des milliers de migrants recueillis en mer et transférés par les autorités italiennes. La Cour constitutionnelle albanaise retardée l’accord afin que les problèmes juridiques puissent être résolus.
Dans une lettre adressée aux dirigeants de l’UE, réunis jeudi à Bruxelles, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a salué les « initiatives importantes » prises par certains des 27 pays membres de l’Union pour limiter l’immigration, notamment « l’accord opérationnel conclu entre l’Italie et l’Albanie ».
« Il s’agit d’un exemple de réflexion originale, fondée sur un partage équitable des responsabilités avec les pays tiers, conformément aux obligations découlant du droit communautaire et international », a écrit Mme von der Leyen dans une lettre décrivant les progrès accomplis pour mettre un terme à l’arrivée de personnes sans autorisation.
Dans le cadre de l’accord quinquennal annoncé le mois dernier, l’Albanie hébergera pendant un an jusqu’à 36 000 migrants, soit environ 3 000 par mois, qui tentent de rejoindre l’Italie sans papiers, la plupart du temps au cours de périlleuses traversées maritimes.
Il s’agirait de personnes secourues ou « interceptées » par la marine italienne dans les eaux internationales. Les migrants recueillis dans les eaux territoriales italiennes conserveraient le droit, en vertu du droit international et du droit communautaire, de demander l’asile en Italie et de voir leurs demandes traitées dans ce pays.
L’Albanie hébergerait les migrants dans deux installations pendant que l’Italie traiterait rapidement leurs demandes d’asile. L’Italie resterait légalement responsable des migrants tout au long de la procédure. Elle les accueillerait si la protection internationale leur était accordée ou organiserait leur expulsion d’Albanie en cas de refus.
Mercredi, la Cour constitutionnelle albanaise a empêché les législateurs, du moins temporairement, de ratifier l’accord. Le juge en chef de la Cour a déclaré qu’une audience publique se tiendrait le 18 janvier pour déterminer si l’accord viole la constitution albanaise.
La décision a été prise après que l’opposition albanaise ait déposé une requête auprès de la Cour, arguant que le fait de loger les migrants de cette manière les priverait « de tout droit que la Constitution albanaise offre aux individus » et enfreindrait le droit international.
Par ailleurs, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe – un organisme de surveillance des droits de l’homme qui ne fait pas partie de l’UE – a également fait part jeudi de ses préoccupations concernant l’accord entre l’Italie et l’Albanie.
« La détention extraterritoriale des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants, telle qu’elle est prévue dans le mémorandum, pourrait les priver de garanties essentielles », indique un rapport rédigé à la suite d’une visite en Italie de Dunja Mijatiovic, commissaire aux droits de l’homme, en juin dernier.
Le rapport note que l’accord est « caractérisé par de nombreuses ambiguïtés juridiques. Dans la pratique, l’absence de certitude juridique risque de compromettre les garanties cruciales en matière de droits de l’homme et l’obligation de rendre des comptes en cas de violations ».
Dans sa lettre, Mme von der Leyen note que la Commission a fourni 473 millions d’euros (516 millions de dollars) pour aider à renforcer les frontières extérieures de l’UE, notamment en stimulant la surveillance des frontières terrestres, y compris l’équipement de surveillance électronique et les nouveaux systèmes informatiques.
« Des investissements similaires sont nécessaires pour l’équipement de surveillance des frontières maritimes, car la surveillance aérienne avant la frontière est cruciale pour prévenir les arrivées irrégulières et les pertes de vie en mer », a-t-elle écrit. Elle a indiqué que la Commission était « prête à continuer à assurer un financement stable pour ces initiatives importantes ».
Après que plus d’un million de migrants soient entrés dans l’UE en 2015, l’UE a conclu un accord avec la Turquie, impliquant des milliards d’euros d’aide aux réfugiés syriens sur son territoire, des négociations d’adhésion accélérées et des incitations à l’obtention de visas, afin de persuader le président Recep Tayyip Erdogan d’empêcher les gens de partir vers l’Europe.
Malgré les coûts et l’échec final de l’accord, il a permis de réduire rapidement les arrivées de migrants en provenance de la Turquie à une quasi-stagnation. Des résultats encourageantsl’UE a continué à travailler sur des accords similaires avec d’autres pays que les migrants quittent ou traversent pour se rendre en Europe.
« Les agences de l’UE ont continué à étendre leur présence en Afrique du Nord, en établissant des relations avec la Tunisie, l’Égypte et le Maroc », a déclaré Mme von der Leyen dans sa lettre.
Elle a indiqué aux dirigeants qu’un haut fonctionnaire de l’UE avait été envoyé en Mauritanie, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Gambie et en Guinée, en partie pour leur rappeler « comment la politique des visas peut décourager les mouvements irréguliers » de personnes, après que les arrivées de migrants sur l’île italienne de Lampedusa aient augmenté au cours des derniers mois.
Mme Von der Leyen a également déclaré que la Commission avait continué à « multiplier et approfondir nos partenariats migratoires » tout au long de l’année 2023, notamment avec le Bangladesh, l’Irak, le Nigéria et le Pakistan.